Karl, Christian et moi

J’ai été formé dans une école dite de commerce, c’est-à-dire en fait de finance, de management et de marketing, élevé au lait des cours de théorie économique libérale, une école où s’enseignaient et se pratiquaient des valeurs de liberté et de responsabilité. Ces belles valeurs m’ont façonné. Mais peut-on croire la théorie libérale pour laquelle être libéral suffit ? Car alors, où est la responsabilité ?

Nous sommes pris dans une époque qui nous met en demeure de choisir dans une alternative fermée : pour le modèle démocratique et économiquement libéral, ou pour un modèle autoritaire et népotique ? Et l’on voit bien, avec la polarisation entre l’Occident et la Chine (ou la Russie), que nous allons vraisemblablement être enfermés de plus en plus dans cette alternative.

4 projets architecturaux qui éclairent nos attitudes managériales

Ah, le mythique « premier dessin » de l’architecte ! Incarnation d’attitudes et de stratégies pour solutionner une problématique complexe, prendre une décision, faire adhérer des parties prenantes à un projet… C’est l’objet de cette petite série d’articles. Nous n’épuiserons pas le mystère des premiers moments de la création… Mais ces dessins inspirants nous guideront pour éclairer certains comportements humains et le management : d’une équipe, d’une entreprise, d’un projet !

Episode 1 – Renzo Piano ou le scénario inspirant

Episode 2 – Shigeru Ban ou la complexité rendue intelligible

Episode 3 – Bernard Tschumi ou la pensée auto-transformatrice

Episode 4 – à venir

Mon chat et Schrödinger (et la dette publique)

C’est une histoire bien connue que celle du chat de Schrödinger. Souvenez-vous : il s’agit de mettre un chat dans deux états incompatibles et pourtant simultanés. En l’occurrence : mort et vivant.

« WANTED ! Chat de Schrödinger. Mort et vif » (blague de scientifiques).

Dans l’histoire scientifique, il s’agit d’une expérience de pensée, que Wikipédia résume comme suit : « un chat est enfermé dans une boîte avec un dispositif qui tue l’animal dès qu’il détecte la désintégration d’un atome d’un corps radioactif […]. La mécanique quantique indique que, tant que l’observation n’est pas faite (ou plus précisément qu’il n’y a pas eu de réduction du paquet d’onde), l’atome est simultanément dans deux états : intact et désintégré.

Or le mécanisme imaginé par Erwin Schrödinger lie l’état du chat (mort ou vivant) à l’état des particules radioactives, de sorte que le chat serait simultanément dans deux états (l’état mort et l’état vivant), jusqu’à ce que l’ouverture de la boîte (l’observation) déclenche le choix entre les deux états. »

J’ai toujours été amusé par l’accumulation de dispositifs imaginée par Schrödinger : la désintégration d’un atome détectée par un compteur de radioactivité relié à un interrupteur provoquant la chute d’un marteau cassant une fiole de poison libérant un gaz mortel tuant le chat enfermé dans une boîte.

Le colonel Moutarde avec son pauvre chandelier dans la petite bibliothèque à l’étage (ou même dans une mystérieuse chambre jaune) est largement battu. Cluédo quantique, sans doute.

Cette mise en scène ne sert qu’à dédramatiser une profonde question. La fonction d’onde fournit les probabilités de trouver le chat quantique dans tel ou tel état. Mathématiquement, elle permet des états superposés. Sont-ils réellement superposés, autrement dit ce chat est-il réellement mort et vivant, ou bien y-a-t-il une autre explication ?

Ubiquité réelle ? Ou limite de la connaissance ?

Or, je compare le chat de Schrödinger à la dette publique.

La voilà (la dette, pas le chat) qui devrait bondir de 15 % en France en 2020, et gageons que c’est sous-estimé. Et que ce n’est qu’un début. Est-elle une dette quantique ? C’est la question très spéculative qui me préoccupe aujourd’hui, entre deux visio

Oui, indiquent les spécialistes : elle est là mais elle n’est pas là. Comment ? C’est simple : comme chaque année on peut ré-emprunter le montant nécessaire pour rembourser ce que l’on doit, on ne paye que les intérêts. Et tant que ceux-ci sont très bas (disons, à zéro, pour la beauté du raisonnement), on peut continuer ainsi sans dommage, indéfiniment.

La martingale est tellement parfaite que l’on aurait tort d’en rester là. Donc, rajoutons chaque année une louche. D’un côté, cet argent est distribué : il est là. De l’autre côté, le trou de la dette se creuse en lui-même, sans incidence sur la vie réelle : il n’est pas vraiment là.

Admettons que les taux ne remontent jamais, et que continuent à parader les économistes de la dette perpétuelle. Il y a quand même quelque chose qui cloche, mais quoi ?

Et je crois que j’ai trouvé : il faut quelqu’un pour prêter cet argent aux États, et le prêter à taux zéro.

Il existe ainsi une masse d’épargne considérable dans le monde, soustraite de la vie économique et employée à financer sans rendement ou presque, le puits sans fond des dettes publiques.

Soit 80 mille milliards de $ (le total des déficits publics mondiaux) de vraie bonne épargne volatilisée, qui n’ira directement dans aucun autre investissement productif. Presqu’un an de PIB mondial.

Au moins est-ce que ces dettes publiques financent des investissements d’avenir ? C’est véritablement la question cruciale. Abordée par exemple dans mon article sur les priorités de la relance post-covid. Or, un peu partout, et depuis longtemps, la dette publique finance surtout… le déficit courant.

Remarquez que cette année 2020, selon le FMI, pendant que la dette publique mondiale passerait en pourcentage de 83,3% à 96,4% du produit intérieur brut planétaire, ce dernier connaîtrait une contraction historique de -3%. Les courbes se croiseraient-elles ?

Cette dette publique est telle qu’elle ne sera jamais remboursée. Le jour où on l’annulera, se manifestera pour de bon la disparition de son double en épargne.

La dette publique n’est donc pas quantique. Elle ne connait qu’un seul état : elle existe. Elle produit des effets sur le monde réel. L’ubiquité n’était pas parfaite.

Conclusion (tirée de l’auteur anglais Terry Pratchett, cité également par Wikipédia) :

Dans cette situation le chat est soit : a) Mort, b) Vivant, ou c) Vachement en colère.

D’autres histoires du chat et du manager :

Résiliences : la partie (re)commence

Le thème de la résilience occupait déjà un certain nombre d’esprits, mais il prend une acuité toute nouvelle avec la crise sanitaire, et ce qu’elle révèle à l’échelle d’un pays et, même, d’un continent.

Nous découvrons notre vulnérabilité

Nous pensions que la résilience des continents, Etats ou cités serait affaire de montée des eaux, de méga-incendies, de sècheresses et de dimensionnement des infrastructures… Et surtout chez les autres…

Et voilà que la crise sanitaire révèle une faille profonde de résilience de nos pays occidentaux, européens notamment, à l’égard d’un tout autre ensemble de facteurs : notre approvisionnement en produits vitaux, tels que médicaux, technologiques, industriels et peut-être même, alimentaires.

Nous pensions que l’Asie du Sud-Est et l’Afrique seraient les plus touchées par l’augmentation des températures, la Chine par la pollution et les problèmes sanitaires, l’Inde, le Proche-Orient et l’Arizona par la pénurie d’eau, l’Australie et la Californie par les incendies, la Louisiane et le Mexique par les tornades, le Groenland et la Sibérie par le dégel, le Bangladesh et les iles du Tuvalu par la montée des eaux, l’Amérique Latine et l’Afrique par la disparition des forêts primaires, le Moyen-Orient par le tarissement de la manne pétrolière, le Japon par le vieillissement et qu’en outre et surtout, ce seraient les régions du monde les moins développées et les moins capitalisées qui souffriraient le plus, à cause de la fragilité de leurs infrastructures…

Et soudain, les problèmes de résilience nous concernent nous autant ou plus que les autres. Et tout de suite !

Y compris sous l’angle de la cohésion sociale… (et ici, je ne parle pas de ma cohabitation de confiné avec mon chat, évoquée dans cet autre article).

Voilà le fait nouveau : nous venons de prendre conscience de la vulnérabilité de nos économies, de nos sociétés et de nos modes de vie. C’était déjà sensible pour des raisons environnementales, mais celles-ci, pour beaucoup, restaient assez abstraites. Pour tous désormais, la fragilité de nos sociétés à nous, les nôtres précisément, est manifeste, cruelle et tangible.

Des détresses économiques profondes vont selon toute vraisemblance prolonger la crise sanitaire. Plus largement, ces difficultés sont à replacer dans un ensemble de tensions plus qu’émergentes, qu’il ne faut pas oublier : dérèglement climatique, explosion des dettes publiques, corporate et privées, inégalité jamais vue de la répartition des richesses mondiales, émergence de nouveaux régimes totalitaires alliés à des technologies intrusives, régions déstabilisées, nouveaux radicalismes…

Dans cette ère de crise tendanciellement permanente, nous nous découvrons férocement vulnérables.

Quel béat (occidental) avait annoncé la fin de l’Histoire, déjà ?

Cette vulnérabilité s’est construite derrière l’illusion de la complexité

Quelle est la « supply-chain » de Paris, de Londres, de Berlin ou d’Amsterdam ? Combien de champs et d’agriculteurs, de mines, d’usines et d’ouvriers ? Où sont-ils donc ? Combien de territoires, quelle géographie des ressources ? Où se fabrique la réponse aux consommations de nos pays, quelle est l’empreinte géographique de la chaîne d’approvisionnement de nos territoires ?

Avec la mondialisation, nous nous sommes habitués à penser que cette question était devenue relativement indémêlable et surtout, presque vaine. L’idée d’un monde lié, relié, plié, replié en un immense réseau d’échanges de composants, de sous-composants et de services nous a plongé dans l’illusion d’une subsidiarité générale du monde, où nous pourrions tous compter les uns sur les autres.

Or à l’abri de cette complexité apparente se sont opérés des mouvements de fonds très brutaux et très simples. Ce foisonnement a caché une concentration des fonctions de production dans quelques endroits du monde bien délimités et, en tout cas, pas chez nous.

Pendant que nous rêvions au monde multilatéral, en réalité celui-ci se spécialisait et se spatialisait. Certes toute mégapole est insérée dans un système d’échanges d’autant plus vaste et complexe qu’elle-même est importante. Mais la réalité est que sur la planète, les territoires industriels, qui produisent les biens, répondent aux territoires consommateurs, qui sont plutôt serviciels, et qui sont les nôtres.

C’était bien pratique : nous nourrissions l’illusion de villes et de pays propres (puisque nous délocalisions la production de nos consommations effrénées). Mais cela s’est fait au prix d’une dépendance généralisée : sanitaire, alimentaire, industrielle, technologique.

Nous avons construit des représentations éthérées de nos territoires, qui constituent un joli conte mais non pas une stratégie. C’est nous qui avons construit « l’usine du monde » qu’est la Chine, et personne d’autre.

C’est un échec. Et nous voici face à un vrai challenge économique et politique.

Quelle résilience ?

Comment donc retrouver de la résilience ? Faut-il espérer relocaliser les productions stratégiques sur le territoire d’un Etat, d’un territoire, voire d’une ville ? La demande citoyenne est forte ces jours-ci, mais est-ce efficace en termes de résilience ?

Le modèle pertinent de résilience ne me paraît pas être l’auto-suffisance. Si chaque pays, individuellement, devait reconstituer en son sein toutes les productions possibles, outre que l’objectif semble impossible à atteindre, on y gagnerait apparemment en indépendance, mais pas réellement en résilience.

La définition de la résilience est la capacité de surmonter un choc, extrême et/ou récurrent, en maintenant un fonctionnement intérieur, voire en tirant des forces nouvelles de la situation. La fable de La Fontaine « le chêne et le roseau » montre parfaitement la différence entre être « résistant » et être « résilient ». Est résilient ce qui absorbe une perturbation en se réorganisant. Ce qui est résilient n’est pas un état, mais un système capable de changer d’état. Un rocher est résistant, mais la vie est résiliente. Une psychologie humaine peut être résiliente et se reconstruire après un trauma. Une société peut être résiliente et évoluer. Pour créer de la résilience, il faut penser en systèmes adaptatifs.

Ces concepts définissent la manière de reconstruire notre résilience économique et sociétale : il s’agit de moins dépendre de ce qui ne fonctionnera pas en système avec nous, lorsque la crise surviendra.

La crise, ou la volonté de créer une pression politique…

Il s’agit donc de relocaliser les productions stratégiques non pas exactement « chez soi », mais au sein d’une communauté politique, de valeurs et d’action. Et de les faire fonctionner en réseau.

Anatomie de la résilience

Contexte sanitaire oblige, parlons d’anatomie.

Des réseaux d’approvisionnement et de production choisis et interconnectés, à l’échelle d’un ensemble politique partageant une communauté de destin et de valeurs, et des nœuds de production reconfigurables autant que possible… Voilà une définition homéostasique de la résilience. Soit : la capacité globale d’un système vivant à maintenir un ensemble de facteurs clés lui permettant de conserver l’équilibre physiologique à l’intérieur de son organisme.

Excellente définition pour une politique de la résilience : tout y est. La capacité globale, le système vivant, l’ensemble des facteurs clés, l’équilibre physiologique de l’organisme. Merci à nos soignants.

Je vois deux raisons majeures pour penser la relocalisation à l’échelle européenne. La première découle du concept même de résilience : elle ne peut être obtenue que par une pluralité de sources d’approvisionnement et la capacité de recombiner les nœuds de production. Il faut pour cela du réseau, donc de vastes communautés de citoyens et d’entreprises.

La deuxième est économique. Car derrière la fabrication des « usines du monde », il n’y a pas que des gains de coûts salariaux et environnementaux : il y a aussi les économies d’échelle. A relocaliser trop « petit », nous ne ferions que perdre la bataille du commerce.

Ne faisons pas succéder un angélisme à un autre.

Donc, quel est cet organisme au sein duquel nous visons un « équilibre homéostasique » ? L’Europe occidentale à coup sûr. Les démocraties transatlantiques certainement. Les démocraties en général, sans doute. La méditerranée, pourquoi pas. Probablement y-a-t-il plusieurs cercles concentriques.

Et quels en sont les artères et les organes ?

Les nouvelles infrastructures de la résilience

Une infrastructure, c’est traditionnellement une route, un pont, une ligne TGV, un aéroport, un port. On y intègre aussi les centrales de production d’énergie, de traitement d’eau et de déchets, les hôpitaux, les bâtiments d’enseignement, de recherche, les établissements culturels, les bâtiments publics… Cela ne concerne bien entendu pas que des constructions : on pensera aux réseaux de distribution électrique, à la fibre optique, aux data centers, aux calculateurs de météo France, aux matériels roulants, aux bornes de recharge de véhicules électriques… Et ça n’est même pas que du « dur » : l’immatériel tel que le logiciel de paie de pôle emploi, les collections virologiques de l’institut Pasteur (ainsi que le laboratoire qui les abrite), telle ou telle base de données publique de l’Insee, et même le code de nos lois, sont aussi, peu ou prou, des infrastructures.

En bref, une infrastructure, c’est tout ce qui sert une communauté, et qui se réalise ou s’exploite sous le couvert d’une régulation collective, généralement instituée.

Tout cela connaît des financements variés : publics, privés ou mixtes. Et même en crowd-funding, c’est-à-dire vous et moi.

S’il est considéré comme stratégique, pour l’homéostasie de la vie dans nos nations, que certaines productions industrielles soient relocalisées, alors elles répondent de fait à cette définition de l’infrastructure. Les investissements de la résilience industrielle à consentir demain sont bel et bien des infrastructures.

Pourtant des objets comme les usines sont traditionnellement privés, ils sont productifs de revenus marchands… Sauf si on les nationalise, mais l’histoire a prouvé que la gestion publique ne savait pas intégrer l’impératif de la performance, et que la planification publique était peu adaptative.

Je ne parle donc pas de nationaliser l’économie. J’observe pourtant que la capacité financière, la volonté et le mode de gouvernance du capital privé ne permettent pas d’espérer une relocalisation massive des productions, parce que ce n’est pas la meilleure option économique à court terme.

Pour une entreprise, délaisser une usine qui produit fort bien en Chine est presqu’impossible. Il lui faudrait simultanément consentir un nouvel investissement ici et encaisser une perte d’actif pour l’usine délaissée là-bas. C’est-à-dire, s’endetter au moment où son bilan s’est brutalement contracté. Il faudrait trouver de la main d’œuvre ici et ré-organiser toute la chaîne d’approvisionnement. Il faudrait supporter des coûts d’exploitation élevés (car si l’usine était là-bas, ce n’était pas par hasard), alors que les usines anciennes, sauf à ce qu’elles se soient démantelées toutes seules, continueront à produire. Sans parler des mesures de rétorsion.

Cela n’arrivera donc pas, sauf si l’on invente des mécanismes juridiques et financiers nouveaux. Une piste serait de considérer ces investissements productifs comme des infrastructures d’intérêt général.

C’est le principe que je tente d’explorer ci-après, avec des degrés de réalisme divers.

Propositions pour en parler

  1. Déclarer d’intérêt général la reconstruction d’une supply-chain résiliente de l’économie européenne (ou du périmètre géographique que l’on se choisira). En droit français, la déclaration d’intérêt général ouvre à l’action publique le moyen de prendre le pas sur les intérêts privés qui ne joueraient pas le jeu, y compris la propriété, dès lors qu’elle les indemnise justement.
  2. Développer un programme de refondation de la supply-chain européenne. Les terminologies d’indépendance, de souveraineté industrielle, ou même de relocalisation nationale offrent des chatoiements un peu toxiques – il serait préférable d’analyser froidement la supply-chain européenne, et de déterminer des éléments clés : approvisionnements, molécules, processus et outils de production, savoir-faire et technologies, R&D…
  3. Instituer la taxe carbone aux frontières européennes : ne parlons plus de « made in X » mais de « made in charbon ». La taxe carbone aux frontières, souvent évoquée, est une manière conforme à nos valeurs multi-latérales de favoriser des productions bénéficiant d’énergies propres et nécessitant moins de transports. Ce prélèvement sur les importations, sur la base de critères environnementaux et non pas nationaux, devrait être dédié à la reconstruction de la supply-chain résiliente… Donc à travers une comptabilité distincte de celle des Etats, qui sera peut-être un jour trop proche de l’effondrement pour être vertueuse.
  4. Forger des zones européennes de réindustrialisation : mobiliser des clusters géographiques supra-nationaux combinant nouvelles infrastructures publiques, formation de la main d’œuvre, investissements sociétaux, soutien à la recherche et, bien sûr, nouvelles industries. En faire des zones franches totales et co-administrées entre Etats voire, même, sans aucune frontière politique. Par exemple l’ancien espace industriel de la Lorraine, la Meuse, la Sarre, la Rhur, le nord de la Belgique, où (en tout cas en France) une population et des collectivités exsangues se meurent à attendre le démarrage d’un nouveau cycle économique ?
  5. Planifier… La reconstruction d’une supply-chain européenne résiliente est inenvisageable sans le retour d’une planification au moins indicative et incitative. Il a pu être écrit que le 1er plan de modernisation et d’équipement français, au lendemain de la deuxième guerre mondiale (le « plan Monnet »), avait « exprimé en chiffres et traduit en actions le dilemme : modernisation ou décadence ». Cette formule n’a-t-elle pas quelque résonance aujourd’hui ? Les ressources de l’Intelligence Artificielle révolutionneraient les anciens outils de la prévision.
  6. Adapter les normes de pollution : je sais que cette proposition est choquante. Elle heurte profondément mes propres convictions. Pourtant, en termes environnementaux, il vaut mieux produire ici moins polluant qu’en Chine, en Inde ou autre pays à énergie carbonée. Le gain écologique serait majeur et ce, même si nous acceptions transitoirement des normes moins contraignantes que nos standards habituels. Réfléchissons bien à ce qui nous hérisse dans cette proposition (qui me hérisse moi-même) : c’est notre confort qui s’y oppose, et non un raisonnement environnemental. L’écologie comme qualité de vie ici achetée au prix de pollutions accélérées lointaines, c’est une hypocrisie…
  7. Ré-introduire, par le financement, le long terme et l’intérêt stratégique dans l’investissement productif.  Introduire dans le financement des projets, au côté des fonds propres privés, des financements très longs de type obligataire garantis par les Etats, avec remboursement in-fine.  Le modèle de l’emphytéose, qui peut aller jusqu’à 99 ans, est un classique intéressant.
  8. Mettre en œuvre des structures juridiques d’investissement nouvelles de compétence élargie : elles auraient pour mission de financer voire porter les infrastructures de la résilience au sens large : infrastructures de desserte, énergie, coques des immeubles industriels, machines et process, formation… Elles véhiculeraient les financements spéciaux indiqués au point précédent. Doivent-elles appartenir à l’économie mixte ? Cela peut paraître une bonne idée, mais en prenant garde à la confrontation des cultures publique et privée, qui en rend la gouvernance très problématique. Mon expérience déconseille malheureusement la présence de l’Etat ou de ses agences, qui se conçoivent comme la seule incarnation légitime de l’intérêt général, tandis que les collectivités locales et régionales paraissent plus proches du terrain et moins dominatrices.
  9. Elaborer des partenariats trans-continentaux nombreux, dans ces « cercles concentriques » de « l’organisme homéostasique » évoqués plus haut.
  10. Edicter une affirmation politique constituante : enfin, ne faudrait-il pas ré-affirmer ce qui « fait système » pour nous, et nous sépare fondamentalement des nouveaux régimes totalitaires alliées aux technologies (de l’information, et d’autres demain) : par exemple, le droit humain fondamental à la vérité, sans lequel il n’y a pas de libre-arbitre possible.

Le confinement nous permet de réfléchir, de prendre du recul. Parfois, c’est drôle (c’était l’idée de l’anecdote du chat…), parfois un peu plus sérieux…

De tous temps, la résilience a été un combat. Je crains que la partie ne soit en train de recommencer… Heureusement nous avons gardé vivace, espérons-le, notre capacité d’innovation et d’adaptation. C’est bientôt la relance post-confinement… Et voici donc le moment de poser sérieusement le sujet.


Le chat et le manager, épisode 2 : « confinés »

Souvenez-vous : les grèves du mois de décembre 2019 nous avaient déjà bloqués à la maison. Elles m’avaient alors fourni le prétexte d’observer mon chat et de déceler en lui certaines réalités de nos comportements managériaux. Mais un confinement en appelant un autre… Le chat de la maison est toujours bien là, et il a encore des choses à nous dire, aujourd’hui, me semble-t-il…

(c) newyorkercartoons

Avez-vous remarqué comme les questions se reformulent à grande vitesse, ces temps-ci ? Une question qui paraissait pertinente, quelques jours plus tard est déjà dépassée. Alors, vous imaginez ce qu’il en est des réponses !

Une question qui m’agite, comme beaucoup d’autres, est de savoir s’il y aura un « après » différent, ou si, dés que possible, nous enclencherons le retour à la normale. Or cet état initial n’avait déjà plus rien de « normal » : sur-consommer, sur-produire, sur-jeter, sur-polluer, sur-concentrer les richesses, sur-peupler la planète…

Quel est le sens de rétablir à marche forcée un état tellement déséquilibré qu’il ne pouvait déjà pas perdurer ? … Et qu’il le pourra encore moins du fait même du coût des moyens nécessaires au rétablissement ? Quelle serait la pérennité de cela ? Je voyais dans un article précédent le risque que ces fameux « plans de relance », si on les mène sans discernement, se cantonnent à un double emprunt au futur : reprise voire accélération d’un modèle qui creuse le déficit des ressources naturelles pour les générations à venir, réalisé par le truchement d’un crédit faramineux qui devra être remboursé.

Ce n’est pas l’objet ici d’interroger le raisonnement de ceux qui ne voient pas débat dans l’explosion des dettes publiques. Mon chat n’y comprendrait goutte… Il me suffit de constater que ceux qui s’y résolvent, soit croient à la répétition d’une situation toute récente (refinancement perpétuel des dettes publiques à coût très faible) et cela sans dommage, soit simplement ne voient pas de choix moins mauvais. Aucun des deux ne me rassure.

Bref, cette problématique de « l’après » est déjà en train de se reformuler. Il me semble bien, en effet, que la crise sanitaire a plus de chances de se prolonger et même de s’installer, que de s’évanouir aussi vite qu’elle était apparue. Parce que les contraintes du confinement actuel se lèveront graduellement. Parce qu’il y a un vrai risque (ou chance) que les citoyens ne se ruent pas, comme on nous le répète (méthode Coué ou suggestion publicitaire), dans une sur-consommation compensatoire – mais qu’au contraire ils modifient leurs comportements (certains par sagesse écologique, d’autres par crainte de la contagion). Parce que le virus connaîtra plusieurs vagues. Parce qu’il y aura de nouveaux virus, comme les remakes d’une mauvaise série TV. Alors, ce ne sera plus une crise : il faudra vivre.

C’est là que mon chat entre en scène. Vous me direz qu’il aura pris son temps. Oui, car c’est un animal discret. Et de plus, en bon chat qu’il est, il détesterait être prévisible.

Or, justement, mon chat (être libertaire s’il en est) adore son confinement domestique. En ce moment, son couple de maîtres (dénomination parfaitement unilatérale, comme vous le savez) est là à demeure. Loin de s’en trouver oppressé, il n’y voit que des avantages. Brossage régulier, caresses disponibles à la demande, compagnonnage silencieux sur la terrasse ensoleillée, et surtout, parce qu’un maître confiné passe sa journée à grignoter, rab en tout genre et croquettes à gogo. Sans compter ce délicieux sentiment d’être admiré au moindre de ses gestes. Et, quand il a besoin de calme, il n’a aucun mal à faire respecter son isolement : car tel est son pouvoir sur nous.

Mon chat interroge directement chez moi cette alternative sensible : qu’est-ce qu’être confiné et qu’est-ce que se sentir libre ? D’où nous vient ce besoin de sur-consommer, sur-produire, sur-jeter, sur-polluer, sur-concentrer, surpeupler ?… N’est-ce pas un terrible confinement mental ? En ai-je besoin ? Est-ce là mon bien-être ?

Le chat : je trouve que tu es souvent à la maison, ces temps-ci.

Moi : oui. Cela t’ennuie ?

Le chat (regardant le bout de ses pattes) : oh, cela m’est égal. Mais, tu as l’air plutôt pas mal dans ta peau, je trouve.

Moi (surpris) : ah bon ?

Le chat : oui, bon la peau des humains est horriblement serrée, je trouve. Je ne crois pas que vous puissiez vous lécher le dos. Enfin, comment dites-vous ? Ah oui, « confinés ». Ça veut bien dire « enfermé », n’est-ce-pas ? Je te trouve plutôt moins « confiné » que d’habitude en ce moment. Tu as l’esprit plus libre… Et pourtant tu travailles autant, non ?

Je me mis à réfléchir (oui, mon chat me fatigue les neurones, et souvent). Ce qui a changé ? Il faudrait en faire la liste… C’est vrai que pour l’instant, j’ai toujours autant de travail. Que je « vidéo-conférence » beaucoup (tiens d’ailleurs, voilà une technologie utile – y en a-t-il d’autres plus accessoires ?)

(c) lingvistov.com

Et si c’était… que je consomme moins ? Que je perds moins de temps en envies fugitives, en déplacements les yeux fermés… Ainsi qu’en confrontations stériles ?

Le chat n’a qu’un seul défaut à mes yeux : il tue pour le plaisir de petits animaux qui ne lui ont rien fait. Quand sa sagesse marque trop de points sur moi, je lui faire remarquer ce petit vice.

Moi : tu peux faire le philosophe, mais toi aussi tu fais des choses horribles pour le plaisir. Tu vois ce que je veux dire.

Le chat : mais je n’en fais pas une hécatombe, moi ! (C’est là sa réponse habituelle). En plus, quand il est joli, pas trop abîmé, au lieu de le manger, je te le donne…

Il a regardé avec des yeux de fou une branche s’agiter derrière la fenêtre, s’est calmé, puis a tourné son regard à nouveau vers moi.

Le chat : vous êtes bien étranges. Pourquoi préférez-vous gripper votre économie plutôt que de supporter quelques millièmes de pourcentage de mortalité supplémentaire ?

Moi (satisfait de faire le professeur) : c’est statistique. Vois-tu, le taux de létalité se situant entre 1 et 3%, à défaut de traitement ou de vaccin cela ferait à terme, si 80% de la population mondiale était infectée, entre 50 et 150 millions de morts. La réalité dépendrait des vitesses relatives de la contagion et des avancées médicales. Il faut être joueur pour ne pas confiner, quand même. Or, ajoutai-je, un décideur se moque relativement d’une grande catastrophe qu’on ne peut lui imputer. Peut-être, s’il est opportuniste, peut-il y voir un intérêt pour sa carrière. Mais une calamité, même toute petite (ce qui n’est pas le cas ici), qu’on pourrait rattacher à une décision de sa part, c’est son cauchemar.

Le chat : peuh, encore ce fichu bouquin de management écrit avec Mathieu Maurice !

Moi : oui, excellent livre.

Le chat (faussement naïf) : mais, à mesure que les hommes s’élèvent dans la hiérarchie, n’est-il pas vrai qu’ils prennent des décisions de plus en plus stratégiques ?

Moi : cela est exact.

Le chat : dès lors, n’est-il pas vrai qu’il sera d’autant plus difficile de faire un constat objectif, surtout à court terme, que telle ou telle décision était mauvaise ? Et le décideur ne trouvera-t-il pas d’autant plus des coupables pour une mauvaise mise en œuvre que sa stratégie était fumeuse ? Et enfin, n’aura-t-il pas eu le temps mille fois de s’envoler vers d’autres postes, tout fanfaron, car plus la stratégie est à long terme et plus la preuve de son échec arrive tard ?

Je réfléchis à ce point. Le matou était dans le vrai, mais cela ne marchait pas dans notre cas.

Moi : il y a un autre aspect des choses. C’est que pour un politique, la seule chose mortelle est l’inaction. Et, avançai-je, on lui reprochera moins une mauvaise décision (et cela pourra se discuter davantage, il dira que c’est un procès politicien, que lui au moins il a tenu la barre, etc.) qu’une non-décision. Alors qu’en entreprise… Certes, on y rencontre également des agités, qui sont de bien mauvais managers. Mais on y trouve aussi beaucoup de managers immobilistes. Ils prônent l’idée que ce qui a toujours marché jusque-là marchera encore. Dans un certain type d’entreprise, ceux-là font figure de sages, voire de remparts.

Le chat (surpris) : tiens, moi qui croyais que les entreprises étaient un sommet d’adaptation et d’agilité.

Ce chat est d’une naïveté, pensai-je en moi-même.

Le chat : ça, c’était pour la statistique. Mais bien sûr l’autre aspect de la question est le plus intéressant : quel genre de morts préférez-vous ?

Moi : quoi ?

Le chat (pervers) : mais oui… De nombreuses autres choses provoquent des millions de morts. Les accidents de la route, la pollution, le tabagisme, la grippe saisonnière, les cancers, la pauvreté… Mais ces morts-là ne sont pas intolérables au point que vous provoquiez un arrêt généralisé de l’économie. Il y a pourtant des chances qu’une bonne part de ces morts-là aurait justement pu être évitée par une diminution de l’activité. Comment mon maître (je sentais venir l’ironie) explique-t-il que, pour contenir les morts du covid, les gouvernements des hommes préfèrent confiner et mettre à l’arrêt leurs pays entiers ?

Quel genre de morts préférons-nous ? La question ne me prenait pas au dépourvu, même si je n’aimais guère la réponse.

Moi : peut-être le virus nous apparaît-il comme une agression contre laquelle il faut se battre. Au contraire d’autres morts qui nous semblent être une fatalité avec laquelle il faut vivre…

Le chat (susurrant) : intéressant… Continues…

Moi : mais… C’est la représentation que l’on se fait de l’ennemi, voilà tout… Que veux-tu que je te dise de plus ?

Le chat : ceci, mon bon maître. Vous les humains préférez croire qu’il existe encore un petit bout de nature à soumettre. En l’espèce les vilains virus. C’est ce que vous avez toujours fait… Plutôt que de remettre en question les conséquences désastreuses de l’action de l’homme sur la nature et sur lui-même.

Moi : que sous-entends-tu, vilaine bête ?

Le chat : moi, rien… Je me dis (ajouta-t-il pourtant) que les mutations qui permettent aux virus animaux de se développer chez l’homme sont sélectionnées justement parce que c’est là qu’il y a de la biomasse, désormais. Puisque vous avez tué toutes les autres bêtes, et que vous proliférez.

Non sans une certaine férocité, il ajouta : « Darwin ! »

Un soubresaut le secoua et il se rua pour mordiller une puce imaginaire sur sa patte d’un blanc immaculé. Puis, tout en feignant regarder ailleurs, il conclut sa démonstration – tout comme Cyrano, à la fin de l’envoi, touchait.

Le chat : ce n’est pas que vous vous vouliez éviter des morts. Tss-tss… C’est que vous préférez les morts qui ne remettent pas en cause vos certitudes.

Moi, je crois que mon chat n’a raison qu’en partie. Certes, nous sommes notre principal ennemi. Mais je veux croire que nous avons gardé notre capacité de nous adapter.

Qu’en pensez-vous ?

(c) lingvistov.com

Recherche AMI désespérément…

Les appels à idées, appels à projets et autres appels à manifestation d’intérêt (AMI) sont largement utilisés, depuis quelques années, par les collectivités. Comme toujours dans ce domaine de la relation public-privé, il s’agit de tenter de raccorder l’hémisphère privé et l’hémisphère public de notre cerveau.

Nos deux cerveaux…

Le principe de l’AMI et similaires est intéressant, qui s’inscrit plus largement dans le renouvellement de la « boîte à outils » de la collectivité publique… mais il faut savoir s’en servir judicieusement.

Je suis retombé récemment sur cet article que j’avais écrit dans le journal Les Echos, à l’époque de Réinventer.Paris, en 2016. Il me semble toujours d’actualité… Le voici donc à nouveau :

Je suis retombé récemment sur cet article que j’avais écrit dans le journal Les Echos, à l’époque de Réinventer.Paris, en 2016. Il me semble toujours d’actualité… Le voici donc à nouveau :

Lire l’article.

Et pour compléter le propos, cet excellent édito de Jean-Marc Peyrical, dans la revue Contrats Publics, qui m’a justement donné l’idée de remettre ce post à jour :

L’appel à projets ou la métaphore du canada-dry.

Le chat et le manager #Grèves heureuses

5 décembre 2019. Grâces soient rendues aux intrépides grévistes campés dans le froid pour défendre d’antiques privilèges, me voici bien au chaud à la maison entre mon chat et mes livres. Avec une furieuse envie de ne pas travailler. Certes, je pourrais faire ma gestion… Mais si, plutôt, j’observais mon chat ?

Il y a quelques mois, Mathieu Maurice et moi avons signé un livre sérieux et amusant à la fois sur la décision en entreprise : « la décision fertile ». En apparence, prendre l’exemple du chat pour illustrer un ouvrage sur la décision est une provocation, et c’est pourtant tellement éclairant…

lingvistov.com

Le chat dit-on est asocial. C’est-à-dire qu’il ne connait pas les règles de la société. Pas de chef de meute chez les chats. Cela ne l’empêche nullement d’être sociable, ni n’en fait un révolté. Simplement, il ne connaît aucune autorité et ignore ce qu’est un ordre. Il ne ferait pas un bon collaborateur.

Le chat semble hésitant. Il peut avec insistance réclamer l’ouverture d’une porte, puis délibérer devant le passage enfin libre pour finalement se résoudre à tourner les talons. On pourrait croire qu’il a un problème de décision. Il ne ferait pas un bon patron.

En réalité, je viens presqu’à mon insu de reproduire une représentation classique de la décision : une décision rationnelle, prise par une autorité, suivie d’une bonne « mise en œuvre »… principes dont, justement, notre livre décrit certaines limites.

Le matou montrerait-il le chemin (involontairement, puisqu’il n’entend guider personne nulle part) ?

Puisqu’aucune parole ne revêt pour lui le caractère d’une injonction, ce qui selon moi était une ferme instruction n’est pour mon chat qu’une simple proposition. Il l’évalue donc soigneusement, pour voir si elle peut tourner à son avantage ou non.

Et si, m’étant finalement résolu à préparer mes déclarations de TVA, je cède à sa sollicitation pressante pour m’écarter un peu de la table et lui offrir mes genoux, il se met à ré-évaluer les alternatives disponibles avant de se décider. 7 fois sur 10 il sautera sur mes genoux (et j’aurai bien du mal à venir à bout de mes problèmes de TVA). Mais 3 fois sur 10, il considérera que le radiateur à proximité est tout de même moins haut, et tout aussi chaud (nous avons des radiateurs bas recouverts d’une pierre accumulatrice).

Mon chat ré-évalue les couples opportunités-risques, et n’exclut jamais de changer d’avis.

Venons-en à notre livre (écrit, en ce qui me concerne, davantage dans les cafés parisiens ou en vacances qu’à la maison, pour les raisons décrites plus haut).

Si vous pensez que la décision est seulement rationnelle, vous risquez de peser indéfiniment le pour et le contre, sans parvenir à trouver un élément probant pour arbitrer. Pour sortir de cette impasse, parfois douloureuse, il faut se poser la question du chat : qu’est-ce qui « tournera à son avantage ». C’est-à-dire, projeter sa décision dans le futur et se demander si les conditions sont réunies (ou si l’on sera en situation et en capacité d’agréger les conditions favorables) pour que cette décision exprime son potentiel et se révèle bonne.

Autrement dit, ce qui fait le potentiel d’une décision c’est sa capacité à inter-agir avec un contexte : avec vos clients, avec votre entreprise, vos collègues et collaborateurs, voire vos concurrents, etc. Ces personnes peuvent-elles en devenir les acteurs, en sorte que c’est votre scénario qui prévaudra et qui ainsi se révèlera, a-posteriori, être la bonne décision ?

Si, à l’inverse, vous pensez que la décision est seulement volontariste, vous risquez de suivre une voie autoritaire, fondée sur des intuitions personnelles ou votre volonté de pouvoir. Bien entendu, vous attendrez des autres qu’ils appliquent, donc vous vous priverez de leur capacité d’adaptation au terrain et d’innovation, et, toujours logiquement, vous exclurez toute remise en cause.

Autrement dit, vous risquez de régner sur un monde univoque, où l’information ne circule plus (la parole n’étant pas libre) et dont le sens de l’action s’échappe peu à peu. Puisque la décision est devenue pour vous essentiellement un champ de pouvoir, vous n’autorisez plus la question du chat : « ré-évaluer les couples opportunités-risques ».

Il me semble donc que mon chat, quoique l’on pense de son immense paresse, a découvert trois idées utiles : la bonne décision est un projet qui repose sur une évaluation de la capacité que l’on a de faire tourner un contexte à son avantage. Dans le livre, nous appelons cela « polariser ». Elle est aussi une évaluation continue de couples de risques-opportunités, et donc elle ne se termine jamais (en tout cas, surtout pas au moment où elle est prise). Dans le livre, nous appelons cela « piloter le pari ». Enfin, sa capacité de devenir générative pour d’autres est déterminante dans le succès d’une décision. Dans le livre, nous appelons cela « polliniser ».

Alors, pâtée ou croquettes aujourd’hui ?

Extrait de « La décision fertile », Christophe Soisson et Mathieu Maurice, éditions Hermann

La ville (in)désirable… ou le glissement de la résilience

Avez-vous entendu parler de la « ville résiliente » ? Sans doute ! C’est un glissement sémantique assez symptomatique : on est passé de la ville durable, vertueuse par nature (si l’on peut dire), à la ville résiliente… sensiblement plus sombre. Car il s’agit d’envisager comment les systèmes urbains (entre autres) pourront résister aux phénomènes naturels extrêmes qui s’annoncent. Or l’effort de résilience n’a de sens que si les causes du dérèglement sont aussi combattues – il ne faut surtout pas perdre la « ville durable » en cours de route ! Avez-vous lu récemment cet article d’un grand journal national qui disait que face à la canicule nous devions tous nous mettre à la climatisation… Autrement dit, consommer plus et accentuer encore l’ilot de chaleur urbain !! Nous ne raisonnons pas assez en systémique. Et pourtant il est urgent d’immobiliser nos capitaux dans les bons investissements de la résilience… durable !

Mon article sur construction21 : https://lnkd.in/gju9NPX

La métaphore du navigateur et du jardinier

1. Naviguer

Le dirigeant est un navigateur, car sa démarche consiste en grande partie à produire un scénario créateur de valeur et fédérateur pour l’équipage. Puis à assurer la cohérence et la constance du cap, ainsi qu’à rectifier en permanence sa trajectoire pour parer les risques et tirer parti des opportunités qui ne cessent d’apparaître.

La décision fertile. Travaillez l’écologie de vos décisions.

Notre livre, « La décision fertile », co-écrit avec Mathieu Maurice, vient de paraître aux éditions Hermann !

En 2013, le président de Nokia terminait son annonce du rachat par Microsoft par ces mots frappants : « Nous n’avons pas fait d’erreurs. Et pourtant, d’une certaine manière, nous avons échoué ».

Un planning administratif « beau » comme un planning chantier !

Certaines situations induisent parfois un cumul impressionnant des procédures nécessaires avant de pouvoir lancer une construction.

La complexité résulte alors de l’articulation de ces différentes procédures entre elles, telles que : déclaration d’utilité publique, mise en compatibilité du PLU, demande spéciale d’autorisation du ministre chargé des sites, expropriation, désaffectation-déclassement du domaine public, chemin rural, PC unique en co-titularité valant division, et autres enquêtes publiques… Les choses se corsent encore lorsqu’il faut les mêler avec les procédures de la maîtrise d’ouvrage publique.

Le livre « La nouvelle relation Public-Privé » est sorti !

J’ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon livre « La nouvelle relation Public-Privé ». Sous-titré « pour une co-production de l’investissement public », ce livre est publié aux éditions Eyrolles. Apprendre à déléguer, pour les uns, apprendre à servir, pour les autres, afin de dépasser la culture du conflit et ses gâchis !..

Cliquez pour acheter le livre « La nouvelle relation public-privé » sur le site des éditions Eyrolles !

Master 2 au CNAM – management de l’éco-construction et des quartiers durables

Ouverture et format

Master 2 du CNAM Paris. Le master accueille des salariés en exercice, en période de professionnalisation ; des candidats en contrats de professionnalisation ; des étudiants titulaires d’un M1 ou équivalent. Ouverture en Septembre 2017.

Lien CNAM : Lien Master site du CNAM

Une approche différente

L’originalité du master est de réunir l’éco-construction et le pilotage de projet. Cette démarche a beaucoup de sens.

Comment la conception numérique ré-organise la valeur ajoutée des acteurs de la construction

Le « BIM », ce sujet tellement à la mode… A l’évidence, on se jette sur cet OVNI avec un espoir de renouvellement à la démesure de l’immobilisme de l’acte de construire. Mais qu’est-ce-qui va changer vraiment ?

L’apparition de la maquette numérique dans le BTP est l’exemple d’une évolution technologique dont les implications ont le potentiel de polariser de puissantes créations de valeur… ou au contraire de décaler les entreprises, si elles n’acceptent pas certaines remises en cause les concernant.

Comment décide-t-on ?

Une des choses qui m’interpelle et qui m’intéresse est la question de la décision.

D’une part, j’ai vu certaines entreprises choisir des managers non décideurs et non organisateurs (évidemment l’organisation d’une structure est une des décisions les plus importantes et les plus difficiles), et les préférer à d’autres a-priori plus efficaces.

Une passionnante étude de logistique urbaine sur l’OIN Euratlantique à Bordeaux

Le besoin exprimé par la Collectivité

L’Etablissement Public d’Aménagement (EPA) Euratlantique est l’aménageur d’une vaste opération urbaine autour de la gare Saint-Jean à l’occasion de l’arrivée du TGV en 2017. Celle-ci prévoit la création de nouveaux quartiers de ville mixtes visant 2 millions de m² à un horizon d’une quinzaine d’années. Comment mutualiser les flux et services et réduire les nuisances ?

Réinventer Paris au-dessus du Périphérique

Une proposition pour la porte des Ternes


La ville de Paris a suscité un grand mouvement d’intérêt parmi les acteurs traditionnels et moins traditionnels de l’immobilier grâce à l’appel à projets « Réinventer.paris ».

Le groupement « Valeurs Ajoutées », que j’ai eu le plaisir de constituer et de piloter, a proposé un projet innovant et fiable de reconnexion de la ville en couverture du périphérique, entre la porte Maillot et la porte des Ternes.

Le projet explore la capacité paradoxale du boulevard périphérique à générer une opération d’urbanisme et de paysage renouant les quartiers, des dispositifs environnementaux innovants tirant parti des contraintes mêmes du site, et des services utiles aux habitants futurs et aux riverains actuels.

Créer de la valeur

« Créer de la valeur » pour nos clients est évidemment notre objectif.

Le porteur de patrimoine, la collectivité, l’opérateur, auront, suivant les sujets, différentes notions de valeur :

  • valorisation financière du patrimoine,
  • potentialisation de la capacité d’usage au service de la fonction ou de la mission,
  • contribution à la mise en place d’une nouvelle gouvernance,
  • préparation à des évolutions à long terme,
  • pilotage de projets ou d’appels d’offre complexes,
  • conduite du changement ou travail d’amélioration des processus et/ou des interactions, etc …

Ces sujets ont en commun qu’ils sont

Qu’est-ce que « Innover » ?

Voici quelques réflexions, issues d’expériences vécues, pour cerner cette notion parfois angoissante, surtout lorsqu’elle combine l’incantation avec une forme d’injonction.

« Soyez innovants ! » Quelle tarte à la crème…. « Oui, chef ! »

Une citation connue : « Innover, c’est arrêter d’avoir de vieilles idées. »

Autrement dit, il est passionnant de prendre conscience du caractère stéréotypé et sous-adapté