Qu’est-ce que « Innover » ?

Voici quelques réflexions, issues d’expériences vécues, pour cerner cette notion parfois angoissante, surtout lorsqu’elle combine l’incantation avec une forme d’injonction.

« Soyez innovants ! » Quelle tarte à la crème…. « Oui, chef ! »

Une citation connue : « Innover, c’est arrêter d’avoir de vieilles idées. »

Autrement dit, il est passionnant de prendre conscience du caractère stéréotypé et sous-adapté d’un certain nombre de nos approches intellectuelles et de nos modes de production.

J’ai vécu personnellement l’expérience de grands projets PPP (lien ici). Au-delà de tout débat sur la pertinence du modèle PPP, c’était l’occasion d’être acteurs du changement dans la manière de faire.

Nos efforts visaient, peut-être comme pour tout changement, à dépasser des contradictions anciennes, qui en réalité se révèlent superficielles : public/privé, concepteur/constructeur, court terme/long terme, individuel/collectif.

Pour le dire tout de suite bien que ce ne soit pas l’objet ici : il ne s’agit pas de faire disparaître des équilibres ou des métiers, mais de les faire tous progresser. En passant d’une culture de l’affrontement à la culture de la solution.

Changement de la relation d’affaire public/privé… Mutation de la commande publique et de la manière dont la sphère publique agit, et dont elle se représente elle-même… Mutation des métiers de l’entreprise privée, et exercice plus ou moins éclairé de sa nouvelle responsabilité dans ces délégations élargies…

Bien sur, j’ai connu, des deux « côtés » (public et privé), résistances au changement et conflits de pouvoir.

Mais ces changements sont bel et bien nécessaires. La combinaison des métiers est un impératif, dans une période marquée à la fois par la complexité croissante des projets et la raréfaction des ressources (de chacun et de tous).

« L’efficacité combinée » appelle complémentarité des compétences, efficience technique des interfaces, refus des interactions conduisant aux gâchis.

L’intégration multi-métiers inscrit les rapports contractualisés, traditionnellement opposés, dans la mise en valeur d’un intérêt commun. En l’espèce du PPP : l’immeuble est un service.

Et si l’immeuble est un service, son processus de production traditionnel n’est pas adapté.

Arrêter d’avoir de vieilles idées, quelle innovation !

Un autre éclairage : l’innovation, dans nos métiers opérationnels, c’est aller aussi loin que possible en conservant l’adhésion de tous…

C’est ici la notion d’équipe qui apparaît…. et c’est bien la suite de la réflexion précédente.

Autour d’un seul projet immobilier ou urbain, que d’acteurs ! L’élaboration du projet (phase qui dure plusieurs années dans nos métiers) peut s’élaborer sur un nouveau mode, beaucoup plus contributif, en associant très tôt concepteurs, chercheurs, investisseurs, exploitants, constructeurs,… autour de l’usager.

Bien entendu, pas d’angélisme (d’ailleurs celui-ci n’est le plus souvent que le point de vue d’un acteur dominant…). Trop d’acteurs parlent de mode collaboratif dans une vision véritablement enfantine, car « enchantée » : tout se ferait instantanément et spontanément, avec l’aide d’une nouvelle fée-logiciel, plateforme de partage et autres BIM.

J’ai noté quelques conditions de réussite qui m’apparaissent particulièrement saillantes. Lien ici.

Sous ces conditions, réalistes, on crée une dynamique et une efficacité extraordinaires. On dépasse la standardisation, on libère les énergies intellectuelles, et on catalyse l’envie.

Tous participent à l’invention générale, apportent leurs idées, fixent leurs limites, couvrant tous les compartiments du jeu et permettant d’innover tout en garantissant les conditions de faisabilité du projet. Sans zone oubliée.

C’est cela qui permet de développer un projet à la fois fiable et innovant, c’est-à-dire : allant aussi loin que possible en conservant l’adhésion de tous.

Un dernier éclairage, plus individuel : contentons-nous de « créer », sans chercher à être à toute force des « innovateurs » (!)

Cela peut paraître paradoxal de prétendre dédramatiser en employant un mot plus gros encore.

Mais non. Car, qu’est-ce-que créer ?

Créer, c’est simplement laisser monter quelque chose de soi, quelque chose de personnel, dans sa pratique professionnelle. C’est une attitude, basée sur la confiance, et pas un résultat à atteindre.

On admet volontiers que l’architecte, l’urbaniste, parfois les bureaux d’études créent. Mais pas seulement. Une équipe associant des métiers très divers « crée » elle aussi, au-delà de l’œuvre elle-même, des approches nouvelles.

Dans une grande équipe, du banquier à l’architecte, tout le monde « crée » ; car chacun met une part personnelle et originale dans sa pratique professionnelle, renouvelée par ces modes de travail collaboratifs.

C’est cela, une grande équipe (et je crois savoir de quoi je parle !)

Cela pose la question de ce qui est vraiment personnel. J’ai une théorie là-dessus, mais ce sera pour un autre article.

 

 

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